ÉCRITS / POÉSIES

divers textes ci-dessous, écrits à des dates très différentes !

par exemple, le texte ci-dessous a été écrit à Noirlac en présence de livres sculptés :

38 livres et le livre du milieu se tait, fermé et muselé par une cordelière.

Le livre tourne en lui-même
Le livre tourne et tente d’ouvrir sa bouche
Le livre tourne et craque quelques lignes
Le livre tourne en étirant sa nuque
Le livre tourne et gonfle ses joues
Le livre tourne sur l’attraction vers le bas et joue la belle timide
Le livre tourne et s’écaille en peignant des sillons d’air
Le livre tourne à l’africaine, échappée d’un masque
Le livre tourne en plissant des yeux
Le livre tourne sur une bave d’un mollusque
Le livre tourne comme une chinoiserie, frontière montagnarde
Le livre tourne et se distend
Le livre tourne dans l’articulation d’une lettre, bouche déformée
Le livre tourne sur une extension égyptienne
Le livre tourne et abrège ses pensées
Le livre tourne sur le non-dit
Le livre tourne en s’éclatant, brefs moments d’audace
Le livre tourne en paradant, en faisant comme si…
Le livre tourne, rumine et se ramasse
Le livre tourne vers sa force interne
Le livre tourne et s’écarte, testant la cordelière
Le livre tourne en battant de l’oeil
Le livre tourne debout et ralentit son geste
Le livre tourne défiant la corolle florale de l’imaginaire
Le livre tourne et se calfeutre, bande ses forces de lignes plus soutenues
Le livre tourne et jacasse à toute page, s’encoquille de vagues de lettres
Le livre tourne et s’accorde
Le livre tourne et prend une pose
Le livre tourne et badigeonne l’espace
Le livre tourne dans ses strates, élargit ses pattes
Le livre tourne en obsénité, propose l’aventure charnelle
Le livre tourne sur son piège
Le livre tourne avec l’éclair des mots
Le livre tourne et me craint.

De l’importance des pâtes

De l’importance des pâtes qui peuvent gicler hors d’une casserole.
Est-ce que l’eau doit être bouillante nécessitant une camisole
Ou bien faudra-t-il arrêter le feu instantanément
Pour se jeter au fond d’un lit précipitamment
De l’importance de la forme des pâtes
Est-ce qu’il faut avoir un regard qui mate
Les courbes des futures playmates
De nos assiettes enrubannées de gruyère
Comment savoir les choisir sur l’étagère
De l’importance du langage des pâtes

Avec les tortellinis qui s’accrochent entre nous
Ou les insolentes spaghettis qui ne veulent pas rester debout
Il y a tellement de monde dans un sachet de coquillettes
Tous ces petits yeux coquins qui nous guettent
Les macaronis tuyautent le rituel de la grand’messe
Imbéciles fantasmes de fatigue et d’ivresse
De l’importance du thème des pâtes
Mieux vaut s’éloigner des vermicelles
Ce ne sont que des paillettes
De petits souvenirs pour elle
Peut-être vaudrait-il mieux des lasagnes
Platitude des grands draps d’un lit
Avec l’avantage d’éviter les miettes
Avec ce petit goût de revenez-y
Allons dévorer ces gnocchis
Fausses lèvres qui ne ferment jamais
Je ne pense qu’à ça
Me blottir et rougir entre tes bras

Il ne faudrait pas

Non, pas écrire cela

De l’influence des pâtes dans l’importance des bisous
Il va falloir choisir entre al dente et la mollesse
Est-ce que le gruyère va fondre à temps
Plein de questions subsidiaires devenant
Cruciales lors de l’invasion dans le cou
Suis-je encore à point O jeunesse
Plus le temps de faire le point O vieillesse

L’affaire du canard tueur :

l’affaire du canard tueur
ressemble fort à l’affaire du tableau de Courbet

en effet
vais-je montrer la cuisse (en photo)
et à n’importe qui ?
c’est indécent
tout le monde n’achète pas les tabloïds à sensation
tout le monde ne se précipite pas sur les photos de corps accidentés
et pourquoi cacher la réalité ?
est-ce que montrer permet d’apprivoiser ?

voici l’affaire du canard tueur :
après un dîner où j’ai découvert les oeufs centenaires
(oeufs de cane)
j’ai voulu repartir avec ma bicyclette (Rosita)
garée dans un mini square
un conseil : faites attention
à la vie nocturne dans un jardin pour enfant
où un tire bouchon qui se trempoline
avec forme d’un canard m’a attaqué !
Le fait est que j’ai dérapé sur la bordure plastifiée du sol caoutchouteux vert
et la queue en bois du canard a embroché ma cuisse droite
évidemment pas de lune pour éclairer ma chute
mes amis ont entendu des hurlements
j’ai eu la sensation d’avoir la jambe coupée !
la cuisinière m’a dit que j’étais douillette
et que les plus grandes douleurs sont muettes

la tapissière (cuisinière de cette soirée) m’a confectionné un bandage
pour me permettre de rentrer sur Rosita
En chemin vers St germain des prés
un serpent sortait de mon bermuda
et flottait dans le vent
à st Michel j’ai refait le rembourrage
en maudissant le canard
et me rappelant l’oeuf bizarre de la cane.

et si ce canard a voulu me tuer pour venger sa cane ?
et vous voudriez que l’ami de la cuisinière s’en dédouanne ?
un canard tueur pas loin de Cambronne
quitte à me faire passer pour une pochetronne ?
et depuis je boîte

donc j’ai réussi à rentrer
à me coucher sur l’autre côté
ai attendu deux jours pour que cela désenfle
et samedi matin
ai osé montrer la cuisse noircie à la piscine
(est-ce que Jupiter a eu des problèmes de canard ?)
or il a fallu qu’une idiote me bouscule dans sa nage
je l’ai incendiée (de paroles)
et ai quitté benoitement cet endroit de phoques et baleines
cette folle devait être de mèche avec les canes
croyant que j’en voulais à son look de canard
(un poème son bonnet bleu et lunettes assorties)
mais de toute évidence elle n’a rien vu malgré la transparence de l’eau
il n’est pas bon d’être handicapée dans l’eau

je n’ai pas de photos du canard tueur
mais méfiez-vous des nuits sans lune

samedi soir j’ai voulu expliquer lors d’un concert
la raison de ma douleur
au dernier moment un geste de pudeur m’a empêché de lever un coin de ma robe
la solution : j’ai montré la photo de ma cuisse…
affaire détournée de celle de Courbet…

je n’ose vous envoyer la photo
mais si vraiment vous insistez……….

autre texte :

On compte ses pas bien avant
d’avoir perdu la tête après
l’orage qui coule pendant
que je pleure en cherchant après
les idées que j’avais avant.

Perles d’eau écrasées après
la traîne du vent pendant
les lueurs projetées avant
les forces bruyantes pendant
le tonnerre, toujours après.

Craquement des ciseaux pendant
la coupe cervicale. Avant
tout, balancer le pied après
l’amas de perles d’eau, avant
la peur mouillée et son pendant.

Autre texte concernant les voyages à vélo dans Paris :

Il fait nuit et le chemin pour vélo est mordu par des feuilles jaunes. Elles s’étalent sur le bitume, et s’empilent les unes sur les autres. Les couleurs prennent un ton orageux: une feuille jaune empilée sur une autre et ainsi de suite, celafait du grabuge. Elles s’écrasent entre elles, refusent qu’une couleur ne soit plus éclatantes que l’autre, et cela donne du marron avec des cris jaunes. Tout d’un coup la Tour Eiffel clignote. Le collier de diamant jaune découpe les arbres dont les feuilles jaunes continuent à décorer les branches. Les flaques d’eau n’osent plus rester grises et prennent à leur tour du doré. La bicyclette prend le chemin en s’éloignant des
clignotants rouges, des lapins aux yeux rouges sur quatres roues qui font du bruit en écrasant les flaques d’eau et les familles de feuilles voyageuses.